13.1 Les autorités sont tenues de faciliter les rassemblements
Les États sont tenus de faciliter la tenue de rassemblements pacifiques.
[1] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, points 37 à 49 ; (uniquement disponible en anglais) Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Premier rapport thématique du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations unies A/HRC/20/27, 21 mai 2012, points 26 à 28 ; Praded c. Bélarus, Comité des droits de l’homme, adoption de vues du 29 novembre 2014, Doc. des Nations Unies CCPR/C/112/D/2029/2011, point 7.8. Cela signifie, à un niveau élémentaire, que les personnes qui exercent le droit doivent avoir accès à l’espace public et bénéficier d’une protection, par exemple lorsqu’elles sont confrontées à une contre-manifestation violente
(voir la section 12.2) ou si des
personnes aux intentions violentes ou des agents provocateurs rejoignent le rassemblement. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies prie instamment les États :
En outre, l’État doit fournir plusieurs services de base gratuits, tels qu’ils sont identifiés dans le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements :
La ComIDH a souligné l’importance des plans opérationnels, notamment des mesures de gestion de la circulation :
De même, la CEDH a reconnu l’existence d’une obligation, à la charge des autorités, d’adopter
De manière plus générale, l’obligation de faciliter les rassemblements comprend un large éventail d’actions de la part des autorités, afin de s’assurer d’être en mesure de garantir l’exercice sûr et effectif du droit de réunion. Il s’agit notamment de la formation des forces de police (voir la section 13.6), de la communication effective avec les organisateurs et les participants (voir la section 13.5) et de la préparation appropriée (voir la section 13.7) à la tenue de rassemblements.
L’obligation de faciliter les rassemblements s’applique également à ceux qui n’ont pas été officiellement notifiés aux autorités (voir la section 11.3), notamment aux rassemblements spontanés (voir la section 11.3). C’est ainsi, par exemple, que la ComIDH a déclaré ce qui suit :
Le BIDDH/OSCE a publié un manuel détaillé intitulé Human Rights Handbook on Policing Assemblies (Manuel sur les droits de l’homme pour le maintien de l’ordre lors des rassemblements) qui vise à donner des conseils à la police quant à la façon de faciliter le droit de réunion pacifique. Les lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique publiées par la ComADHP constituent une autre ressource approfondie dans le domaine.
13.2 Les autorités ont-elles le droit de faire usage de leurs pouvoirs d'interpellation et de fouille et de détention avant la tenue d'un rassemblement ?
Le
rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements exhorte les États à s’abstenir de se livrer à des interpellations et des fouilles indues, ou à des arrestations des personnes qui se rendent à un rassemblement :
Ce point de vue est soutenu par la jurisprudence de la CEDH.
Dans l’affaire Gillan et Quinton c. Royaume-Uni, la Cour a souligné que la loi devait restreindre le pouvoir discrétionnaire des agents de police, à titre individuel, pour effectuer des fouilles, y compris sur les personnes entendant participer à des manifestations. Les requérants (un journaliste et un manifestant) se rendaient à une manifestation contre la foire aux armements qui se tenait à Londres lorsqu’ils avaient été interpellés pour faire l’objet d’une fouille. La CEDH a critiqué le fait que la législation applicable n’imposait pas d’« appréciation de la proportionnalité de la mesure » et que la police pouvait se livrer à des fouilles se fondant « uniquement »sur le « pressentiment » ou l’« intuition professionnelle » du policier en question.[8] Gillan et Quinton c. Royaume-Uni, CEDH, arrêt du 12 janvier 2010, points 80 à 83. En conséquence, il y a eu violation du droit au respect de la vie privée. La Court a prévenu que la législation pouvait également permettre des violations du droit à la liberté de réunion :
La CEDH a fréquemment condamné les arrestations et autres entraves causées par les autorités qui empêchaient les participants de rejoindre un rassemblement sans aucune justification claire.[10] Voir, par exemple, Djavit An c. Turquie, CEDH, arrêt du 20 février 2003 (les autorités turques et chypriotes turques avaient refusé d’autoriser le requérant à traverser la ligne « verte » pour se rendre dans le sud de Chypre afin de participer à des réunions bicommunautaires avec des Chypriotes grecs) ; Schwabe et M.G. c. Allemagne, CEDH, arrêt du 1er décembre 2011 (les requérants avaient été arrêtés alors qu’ils se rendaient à une manifestation où la police craignait des actes de terrorisme et des émeutes car ils portaient des banderoles sur lesquelles étaient inscrits les slogans « Liberté pour tous les prisonniers » et « Libérez-les tous maintenant », et avaient été détenus pendant près de six jours par crainte qu’ils n’incitent autrui à libérer des détenus) ; Huseynli et autres c. Azerbaïdjan, CEDH, arrêt du 11 février 2016 (uniquement disponible en anglais) (les requérants avaient été arrêtés deux jours avant une manifestation et condamnés en référé à sept jours de détention administrative pour des motifs arbitraires, par crainte qu’ils ne participent à la manifestation et pour les sanctionner pour avoir participé à des actes de protestation de l’opposition) ; Eğitim ve Bilim Emekçileri Sendikası c. Turquie, CEDH, arrêt du 5 juillet 2016 (les requérants avaient été arrêtés sur l’autoroute, alors qu’ils se rendaient à une manifestation pour une éducation enseignement de qualité et gratuite et avaient été détenus pendant plusieurs heures) ; Kasparov c. Russie, CEDH, arrêt du 11 octobre 2016 (uniquement disponible en anglais) (le billet d’avion du requérant avait été saisi pour son « examen légal », ce qui l’avait empêché de se joindre à une manifestation de l’opposition). Le « refus d’autoriser un individu à se déplacer pour participer à un rassemblement constitue une ingérence dans sa liberté de réunion »[11] Kasparov c. Russie, CEDH, arrêt du 11 octobre 2016, point 66. (uniquement disponible en anglais). qui doit être justifié conformément au test en trois volets (voir la section 4). La Cour a affirmé que les autorités n’étaient pas en droit d’empêcher les participants de se rendre à un rassemblement simplement car ce dernier est considéré comme illégal en l’absence de notification ou d’autorisation préalable (voir la section 11.3).[12] Eğitim ve Bilim Emekçileri Sendikası c. Turquie, CEDH, arrêt du 5 juillet 2016, points 106 à 109.
13.3 Comment gérer les participants violents et les agents provocateurs présents à un rassemblement ?
Une personne dont les intentions et actions sont pacifiques ne se voit pas privée de son droit de réunion si d’autres personnes deviennent violentes (voir la section 2). La CEDH a déclaré ce qui suit :
[La] jouissance par un individu du droit de réunion pacifique ne cesse pas du fait que des actes sporadiques de violence ou d’autres comportements répréhensibles soient perpétrés par des tiers dans le cadre de la manifestation, sous réserve que les intentions ou le comportement de l’individu en question soi(en)t demeuré(e)s pacifique(s).
[13] Ziliberberg c. Moldavie, CEDH, décision du 4 mai 2004, point 2 (uniquement disponible en anglais); Frumkin c. Russie, CEDH, arrêt du 5 janvier 2016, point 99 ; Primov et autres c. Russie, CEDH, arrêt du 12 juin 2014, point 155. (uniquement disponible en anglais)
Il s’ensuit que les membres des forces de l’ordre facilitant un rassemblement doivent, dans la mesure du possible, permettre aux participants pacifiques à ce dernier de continuer d’exercer leurs droits. Ils doivent être préparés et formés pour écarter les participants individuels ou les infiltrés (parfois désignés sous le terme d’« agents provocateurs ») ayant des intentions violentes, au lieu d’interdire ou de disperser le rassemblement.[14] Voir Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Deuxième rapport thématique du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations Unies A/HRC/23/39, 24 avril 2013, point 70 (uniquement disponible en anglais) ; BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, point 46 ; ComADHP, Rapport du Groupe d’étude sur la liberté d’association et de réunion en Afrique, 2014, p. 26, point 24. Le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements indique ce qui suit :
Le BIDDH/OSCE, dans ses lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, exprime un point de vue identique :
Les autorités devraient donc s’abstenir de donner un ordre de dispersion de réunion lorsque seul un faible nombre de participants agit de manière violente. Dans ce cas, il conviendrait de prendre des mesures visant uniquement les individus concernés. De même, à supposer que des agents provocateurs infiltrent une réunion par ailleurs pacifique, les autorités devraient prendre des mesures appropriées pour extraire les intéressés plutôt que dissoudre la réunion ou la déclarer illégale.
[16] BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, point 154.
La ComADHP a, elle aussi, adopté une position similaire.[17] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.3.
Dans l’affaire Frumkin c. Russie, la CEDH avait fait grief aux autorités russes d’avoir dispersé tout un rassemblement au lieu de tenter d’isoler le secteur qui était devenu turbulent :
Les autorités n’ont pas établi qu’avant de déclarer la fin du rassemblement dans son ensemble, elles avaient tenté d’isoler le secteur turbulent et de cibler les problèmes à ce niveau-là, afin de permettre la poursuite de la réunion dans le secteur où la situation était restée pacifique. La Cour n’est donc pas convaincue que l’arrêt du rassemblement (…) était inévitable.
[18] Frumkin c. Russie, CEDH, arrêt du 5 janvier 2016, point 133.
13.4 La dispersion n’est admise que si elle est absolument inévitable
La dispersion n’est admise que si elle est absolument inévitable
La dispersion des rassemblements comporte un grand risque d’escalade et de violation des droits de l’homme. Pour ces raisons, le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements recommande un niveau élevé de retenue pour ce qui est du recours à la dispersion :
Le BIDDH/OSCE, dans ses lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, met aussi en garde contre le recours aux pouvoirs de dispersion, qui créent souvent davantage de problèmes en matière de maintien de l’ordre qu’il n’en résolvent, et détériorent les relations entre la police et la population. Les lignes directrices soulignent que les autorités compétentes ont des solutions entre la non-intervention et la dispersion, telles que des poursuites engagées après la réunion pour des violations de la loi.[20] BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, points 155-156. Pour la ComADHP, la dispersion doit représenter « une mesure en dernier recours ».[21] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.1 ; ComADHP, Rapport du Groupe d’étude sur la liberté d’association et de réunion en Afrique, 2014, p. 65, point 39. Elle ne doit être utilisée que lorsque les stratégies de désescalade et de confinement et les arrestations ciblées d’individus violents ont échoué :
Lorsque les participants à une réunion n’agissent pas de manière pacifique ou ne respectent pas la loi, les forces de l’ordre devraient, dans la mesure du possible, recourir à des stratégies de communication et de désescalade, et à des mesures de confinement des individus qui commettent ou menacent de commettre des actes de violence ou, si cela est nécessaire et proportionné, procéder à l’arrestation des individus qui commettent ou se préparent à commettre des actes de violence, avant de tenter de disperser la réunion.
[22] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.3.
Dans quelles circonstances la dispersion peut-elle être envisagée ?
La ComIDH indique, à ce propos, que « la dispersion d’une manifestation ne peut se justifier que par l’obligation de protéger les personnes ».[23] ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 67. (uniquement disponible en anglais) Le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements indique que la dispersion d’un rassemblement émaillé de violences peut uniquement être envisagée
La ComADHP adopte une position similaire.[25] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.5. Le fait que les autorités doivent tenter d’identifier et d’isoler les individus violents avant d’envisager de disperser un rassemblement (voir la section 13.3) est un principe important.
Les rassemblements qui demeurent pacifiques ne peuvent être dispersés que dans des cas exceptionnels. Les circonstances évoquées ci-dessous ne justifient pas, en tant que telles, la dispersion d’un rassemblement :
le fait que les organisateurs n’aient pas notifié aux autorités la tenue du rassemblement à l’avance (voir la section 11), même si une telle notification était exigée par la législation nationale applicable ;
le fait que le rassemblement perturbe la circulation. Ces perturbations doivent, en général, être tolérées (voir la section 9.3) et ne justifient une dispersion que dans des cas exceptionnels (voir la section 9.3).
la présence de personnes considérées comme à risque. Comme l’a déclaré la CEDH, « il ne serait pas approprié de disperser une manifestation pour la simple raison que certains de ses participants ont eu un comportement violent par le passé ».[26] Primov et autres c. Russie, CEDH, arrêt du 12 juin 2014, point 152. (uniquement disponible en anglais)
Dans les rares cas où la dispersion est en principe justifiée, les manifestants devraient normalement avoir la possibilité d’exprimer leurs points de vue avant que les autorités ne dispersent le rassemblement (voir la section 11.5).
Le rapport conjoint souligne qu’un rassemblement constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, en violation des dispositions de l’article 20 du PIDCP peut justifier une dispersion, si des mesures moins intrusives ou discriminatoires ont échoué.[27] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 62. (uniquement disponible en anglais) Dans l’affaire R.B. c. Hongrie (une espèce dans le cadre de laquelle le requérant, d’origine rom, avait fait l’objet d’insultes racistes et avait été menacé à la hache par des participants à un rassemblement d’extrême droite), la CEDH a également reconnu que « dans certaines situations, les autorités nationales peuvent être contraintes de procéder à la dispersion d’une manifestation violente et ouvertement intolérante ».[28] R.B. c. Hongrie, CEDH, arrêt du 12 avril 2016, point 99. (uniquement disponible en anglais) Voir également Király et Dömötör c. Hongrie, CEDH, arrêt du 17 janvier 2017, point 64. (uniquement disponible en anglais).
Comment gérer la dispersion ?
Selon le rapport conjoint report concernant la bonne gestion des rassemblements[29] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 61. (uniquement disponible en anglais) et les lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique[30] BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, point 165. du BIDDH/OSCE, les mesures à adopter avant la dispersion doivent être définies dans des lignes directrices exhaustives et disponibles au public.
La décision de disperser un rassemblement doit être adoptée par un officier d’un rang suffisant disposant d’informations précises sur la situation qui se déroule sur le terrain.[31] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 63 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.5. Conformément à l’obligation des autorités de communiquer effectivement avec les organisateurs et les participants, la première mesure consistera toujours à informer clairement les personnes présentes de l’intention de disperser le rassemblement, ainsi que d’accorder aux participants suffisamment de temps pour quitter les lieux volontairement, avant d’intervenir plus en avant.[32] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 63 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.4 ; BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, point 168.
Les arrestations massives lors de la dispersion doivent être évitées.[33] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 45 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 23.3 ; BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, point 161. La CIDH a souligné que l’existence d’éléments de preuve étayés concernant la commission d’un délit était nécessaire pour justifier une arrestation :
[U]ne arrestation massive et programmée de personnes sans fondement légal, dans le cadre de laquelle l’État arrête massivement des personnes que les autorités estiment pouvoir représenter un risque ou un danger pour la sécurité d’autrui, et ce sans éléments de preuve étayés de la commission d’un délit, constitue une arrestation arbitraire et illégale.
[34] Servellón García et autres c. Honduras, CIDH, arrêt du 21 septembre 2006, point 93.
Le recours à la force pour disperser un rassemblement devrait toujours se conformer strictement aux principes applicables au recours à la force (voir la section 13.7). Conformément aux principes de nécessité et proportionnalité (voir la section 13.7), la force ne devrait être utilisée que s’il n’y a pas d’autre alternative, et elle devrait se limiter au strict minimum. Les principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois déclarent :
La ComADHP déclare dans la même veine :
La nécessité de disperser un rassemblement ne justifie en aucun cas le recours à la force meurtrière. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a engagé les États « à faire en sorte, à titre prioritaire, que leur législation interne et leurs procédures nationales » mettent en œuvre le principe selon lequel « le recours à la force meurtrière n’est autorisé que pour se protéger contre une menace imminente mettant en danger des vies humaines et qu’une telle force ne peut être utilisée simplement pour disperser un rassemblement ».[37] Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Résolution 25/38 sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, Doc. des Nations unies A/HRC/RES/25/38, 11 avril 2014, point 10. (uniquement disponible en anglais) La ComIDH a rejoint cette position, affirmant ce qui suit :
Il découle des principes généraux afférents au recours à la force qu’il n’existe pas de situation autorisant le recours à la force meurtrière pour disperser un acte de protestation ou une manifestation, ou pour tirer sans discernement dans la foule. Les États doivent mettre en œuvre des mécanismes afin d’interdire le recours à la force meurtrière dans le cadre de manifestations publiques.
[38] ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 81. (uniquement disponible en anglais)
L’utilisation d’armes à feu par les membres des forces de l’ordre est, quant à lui, soumis à des règles spécifiques (voir la section 13.8). Le fait que les armes à feu ne puissent jamais être utilisées uniquement pour maîtriser ou disperser un rassemblement est un principe fondamental.[39] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 60 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.6 ; ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 82. (uniquement disponible en anglais).
Le droit d’enregistrer (voir la section 15) s’applique aussi pendant la dispersion d’un rassemblement. Selon les Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique du BIDDH/OSCE,
La ComADHP adopte une position similaire.[41] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.7.
13.5 Les forces de l'ordre doivent communiquer de manière effective avec les organisateurs et les participants
Les mécanismes internationaux soulignent largement l’importance d’un dialogue ouvert entre les autorités, d’une part, et les organisateurs et les participants aux rassemblements de l’autre, afin d’éviter ou de désamorcer les tensions et de prévenir l’escalade. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a par exemple souligné « le rôle important que peut jouer la communication entre les manifestants, les autorités locales et les membres des forces de l’ordre dans la bonne gestion de rassemblements »,
[42] Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Résolution 25/38 sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, Doc. des Nations unies A/HRC/RES/25/38, 11 avril 2014, point 5. (uniquement disponible en anglais) alors que le
rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements affirme, à ce propos, ce qui suit :
Le rapport ajoute que la communication doit être entièrement volontaire, et non un moyen d’imposer aux organisateurs l’obligation de négocier les restrictions imposées au rassemblement.[44] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 39. (uniquement disponible en anglais).
La ComIDH recommande, quant à elle :
La ComADHP souligne, elle aussi, le besoin d’un « dialogue et une négociation continus (…) pour faire face de manière proactive à toute question susceptible de survenir lors du déroulement d’une opération liée à une réunion ».[46] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 13.1. Tout comme la ComIDH, elle suggère de nommer des officiers de liaison :
Les agents chargés de l’application des lois devraient maintenir une communication ouverte avec toutes les parties prenantes concernées, y compris les organisateurs de la réunion et les participants, les autres prestataires de services essentiels et les membres des services d’ordre. Les agents chargés de l’application des lois doivent communiquer de manière continue et proactive les intentions des forces de maintien de l’ordre, ainsi que les plans d’urgence et toute limitation ou restriction qui serait imposée durant la réunion, avec les parties prenantes ; ils devraient envisager de nommer une personne spécialement formée en communication pour être le point focal pour la communication avec les parties prenantes.
[47] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 13.2.
Le BIDDH/OSCE, dans ses lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique utilise un langage similaire à ce propos et affirme que les opérations policières devraient se caractériser par une politique fondée sur « l’absence de surprise ».[48] BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, points 149-150. Les lignes directrices préconisent également le recours à la négociation ou au dialogue pour résoudre toute situation sans issue lors d’un rassemblement :
L’obligation, pour les autorités, de communiquer avec les organisateurs d’un rassemblement est également confirmée par la jurisprudence internationale. Selon la CEDH, « il s’agit d’une partie essentielle de leur obligation positive de garantir le déroulement pacifique du rassemblement ».[50] Frumkin c. Russie, CEDH, arrêt du 5 janvier 2016, point 129.
L’affaire Frumkin c. Russie [ cliquer ici pour un exposé complet ]
Coup de projecteur :
Frumkin c. Russie

Dans l’affaire
Frumkin c. Russie, le requérant avait participé à une manifestation sur la place Bolotnaya, à Moscou, contre de prétendus « abus et falsifications » lors des élections législatives et présidentielles organisées en 2011 et 2012. L’itinéraire et le déroulement du rassemblement avaient été convenus à l’avance entre les organisateurs et les autorités, après de longs échanges. Le ministère de l’intérieur moscovite avait publié des informations sur la manifestation à venir, notamment une carte indiquant la zone assignée au rassemblement, laquelle comportait le parc de la place Bolotnaya.
Néanmoins, alors que la marche s’approchait de la place, les meneurs étaient tombés sur un cordon de police anti-émeutes qui bloquait l’accès au parc, le lieu du rassemblement étant restreint à la rive de Bolotnaya, où les organisateurs avaient installé une scène. Les meneurs de la marche avaient demandé à la police d’ouvrir l’accès au parc et avaient annoncé un sit-down, auquel entre vingt et cinquante personnes s’étaient jointes. À la demande de la police, le médiateur de la Fédération de Russie avait tenté de convaincre les meneurs du sit-in de poursuivre leur manifestation, mais aucun agent de police ou municipal gradé ne s’était rendu sur le site, et il n’y avait pas eu de communication directe entre les autorités et les organisateurs du sit-in.
Si les organisateurs avaient fini par renoncer au sit-in, de l’agitation avait secoué le site et certaines personnes dans la foule avaient lancé divers objets sur le cordon policier, dont un cocktail Molotov. La police anti-émeutes avait alors commencé à disperser la manifestation et avait arrêté certains participants, dont le requérant.
Devant la CEDH, le gouvernement russe avait expliqué que le lieu du rassemblement avait été restreint à la rive par crainte que les activistes de l’opposition préparent un soulèvement populaire et prévoient notamment d’ériger un campement de protestation dans le parc de la place Bolotnaya. La Cour a reconnu la légitimité éventuelle des inquiétudes des autorités, mais a souligné l’importance fondamentale de communiquer leur position ouvertement :
Le fait que la police ait pris des précautions pour éviter l’occupation du parc pour en faire ln campement (…) aurait pu justifier le refus de permettre l’accès au parc, puisque, dans tous les cas, le rassemblement disposait de suffisamment d’espace pour tenir une réunion. Fondamentalement et indépendamment de la manière de procéder jugée opportune par la police, les autorités auraient dû échanger avec les organisateurs du sit-in, afin de communiquer leur position ouvertement, clairement et rapidement.[52] Frumkin c. Russie, CEDH, arrêt du 5 janvier 2016, point 118.
Bien que la police ait contacté les meneurs de la manifestation par l’intermédiaire du médiateur, rien n’avait été tenté au préalable pour établir un canal de communication, et aucun effort n’avait été consenti sur le site pour communiquer directement avec eux. La Cour a estimé qu’il s’agissait-là d’une omission surprenante :
Du point de vue de la Cour, le différend concernant l’emplacement du cordon policier aurait pu être géré raisonnablement par des officiers compétents préparés à communiquer avec les organisateurs du rassemblement (…).
Les constatations de la Cour (…) ont permis de conclure que les forces de police n’avaient pas mis en place un canal de communication fiable avec les organisateurs en amont du rassemblement. Cette omission est surprenante au vu de la minutie générale des préparatifs en matière de sécurité (…). En outre, les autorités n’ont pas répondu de manière constructive aux développements en temps réel (…). Aucun responsable n’a pris la peine de parler aux organisateurs de la marche qui montraient des signes de détresse face au cordon policier (…).
À la lumière de ce qui précède, la Cour estime qu’en l’espèce, les autorités n’ont pas consenti suffisamment d’efforts pour communiquer avec les organisateurs du rassemblement pour résoudre les tensions dues à la confusion concernant le lieu de ce dernier. Le fait de ne pas avoir adopté de mesures simples et évidentes dès les premiers signes de conflit a permis à ce dernier de prendre de l’ampleur, entraînant la perturbation d’un rassemblement jusqu’alors pacifique. [53] Frumkin c. Russie, CEDH, arrêt du 5 janvier 2016, points 126 à 128.
La Cour a conclu que ces défaillances constituaient une violation du droit à la liberté de réunion pacifique :
La Cour estime que dans la présente affaire, les autorités n’ont même pas respecté les exigences minimales dictées par leur obligation de communiquer avec les meneurs du rassemblement, qui était un élément essentiel de leur obligation positive de garantir le déroulement pacifique de ce dernier, afin d’éviter les troubles et garantir la sûreté de tous les citoyens concernés.
Les autorités ne se sont donc pas acquittées de leur obligation positive concernant le déroulement du rassemblement sur la place Bolotnaya. En conséquence, il y a eu violation de l’article 11 de la Convention.[54] Frumkin c. Russie, CEDH, arrêt du 5 janvier 2016, points 129 à 130.
concernait un rassemblement contre une prétendue fraude électorale qui avait donné lieu à affrontement à la suite du blocage, par la police anti-émeutes, de l’accès à un parc que les manifestants espéraient pouvoir occuper. La Cour a estimé que l’absence de communication effective des autorités avec les meneurs de la manifestation constituait une violation du droit à la liberté de réunion pacifique :
[E]n l’espèce, les autorités n’ont pas consenti suffisamment d’efforts pour communiquer avec les organisateurs du rassemblement afin de résoudre les tensions due à la confusion concernant le lieu de ce dernier. Le fait de ne pas avoir adopté de mesures simples et évidentes dès les premiers signes de conflit a permis à ce dernier de prendre de l’ampleur, entraînant la perturbation d’un rassemblement jusqu’alors pacifique (…). La Cour estime que dans la présente affaire, les autorités n’ont même pas respecté les exigences minimales dictées par leur obligation de communiquer avec les meneurs du rassemblement, qui était un élément essentiel de leur obligation positive de garantir le déroulement pacifique de ce dernier, afin d’éviter les troubles et garantir la sûreté de tous les citoyens concernés.
[51] Frumkin c. Russie, CEDH, arrêt du 5 janvier 2016, points 128 à 129.
13.6 Le personnel chargé de la gestion des rassemblements doit bénéficier d'une formation appropriée
La gestion appropriée des rassemblements peut s’avérer une tâche très exigeante pour les agents qui en sont chargés. Le
rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements souligne l’importance d’une formation adéquate des membres des forces de l’ordre, afin de les préparer à la facilitation des rassemblements.
[55] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 42. (uniquement disponible en anglais).
De même, la CEDH estime que le plein respect de la liberté de réunion nécessite « la mise en place d’un système garantissant la formation appropriée des membres des forces de l’ordre, ainsi que le contrôle et la supervision de ces forces de l’ordre lors des manifestations ».[56] İzci c. Turquie, CEDH, arrêt du 23 juillet 2013, point 99. (uniquement disponible en anglais) La Cour n’a pas précisé les thèmes devant être abordés par cette formation, sauf dans un domaine. Elle a indiqué que cette dernière devait viser à garantir que les armes à feu n’étaient utilisées qu’en cas de nécessité absolue :
La CIDH s’est prononcée dans le même sens :
Le Rapporteur spécial et le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ont fourni davantage d’orientations sur le contenu de la formation dont les membres des forces de l’ordre doivent bénéficier,[59] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, points 38, 42, 49, 52, 55, 66 et 67. (uniquement disponible en anglais) tout comme la ComADHP,[60] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 7. la ComIDH,[61] ComIDH, Report on the Situation of Human Rights Defenders in the Americas, OEA/Ser.L/V/II.124 Doc. 5 Rev. 1, 7 mars 2006, point 141. (uniquement disponible en anglais) le BIDDH/OSCE dans ses lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique,[62] BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, points 147-148. et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois des Nations Unies.[63] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principes 18 à 21. Selon ces autorités, les compétences dispensées dans le cadre de ladite formation devraient notamment inclure :
la connaissance des droits de l’homme dans le cadre des rassemblements, et le rôle important de ces derniers dans une société démocratique ;
la connaissance des questions d’éthique policière ;
la connaissance du cadre juridique régissant les rassemblements et les interventions des membres des forces de l’ordre ;
la connaissance du comportement de la foule et des techniques de facilitation et de gestion y afférentes ;
le contrôle et la planification des opérations ;
les compétences relationnelles requises pour régler les conflits de façon pacifique, telles que la communication orale et non-orale (voir la section 13.5), la négociation, la persuasion et la médiation ;
des alternatives au recours à la force et l’impératif de minimiser l’utilisation de cette dernière ;
le bon usage des armes à feu (voir la section 13.8) ou des armes à létalité réduite (voir la section 13.8) mises à disposition ;
la sécurité et la protection des personnes et des groupes particulièrement vulnérables.
Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a engagé les États à assurer une formation adéquate non seulement aux membres des forces de l’ordre, mais aussi au personnel privé agissant pour le compte de l’État durant les rassemblements.[64] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Résolution 25/38 sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, Doc. des Nations Unies A/HRC/RES/25/38, 11 avril 2014, point 13. (uniquement disponible en anglais)
13.7 Le caractère exceptionnel du recours à la force dans le cadre de la facilitation des rassemblements
En vertu du droit international, le recours à la force durant les rassemblements doit respecter strictement les principes de légalité, de précaution, de nécessité, de proportionnalité et de responsabilité.
[65] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 50. (uniquement disponible en anglais)
Légalité
Les circonstances et le degré dans lesquels la force peut être utilisée lors d’un rassemblement doivent être encadrés par la loi et par des règles administratives (telles que des procédures opérationnelles standard et des règles d’intervention) limitant le pouvoir discrétionnaire des membres des forces de l’ordre. Il s’agit là d’un principe reconnu par de nombreuses autorités.[66] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 at 112, Principe 1 ; Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 51 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComIDH, Second Report on the Situation of Human Rights Defenders in the Americas, OEA/Ser.L/V/II, Doc. 66, 31 décembre 2011, point 141 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, points 7 et 8 ; (uniquement disponible en anglais) ; BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Ligne directrice 5.5 et notes explicatives, points 171 à 178. (uniquement disponible en anglais). La ComIDH a déclaré ce qui suit :
Pour éviter une intervention inappropriée des forces de l’État susceptible de porter atteinte aux droits de l’homme des manifestants, les États devraient adopter des mesures tant règlementaires qu’administratives, afin de permettre aux forces de l’ordre de disposer de règles de conduite claires et de la formation professionnelle nécessaire pour s’acquitter de leurs tâches dans des situations impliquant des concentrations massives de personnes.
[67] ComIDH, Second Report on the Situation of Human Rights Defenders in the Americas, OEA/Ser.L/V/II, Doc. 66, 31 décembre 2011, point 141. (uniquement disponible en anglais). Voir également Zambrano Vélez et autres c. Équateur, CIDH, arrêt du 4 juillet 2007 (fond, répartition et dépens), point 86. (uniquement disponible en anglais).
De même, la Grande Chambre de la CEDH prévient que les membres des forces de l’ordre ne devraient pas être laissés « dans le flou », mais être guidés par un cadre juridique et administratif :
[L]es opérations de police doivent être suffisamment encadrées par le droit national, à travers un système de garanties adéquates et effectives contre l’arbitraire et l’abus de la force (…). Les policiers ne doivent pas être dans le flou lorsqu’ils exercent leurs fonctions : un cadre juridique et administratif doit définir les conditions limitées dans lesquelles les responsables de l’application des lois peuvent recourir à la force et faire usage d’armes à feu, compte tenu des normes internationales élaborées en la matière.
[68] Giuliani et Gaggio c. Italie, CEDH, Grande Chambre arrêt du 24 mars 2011, point 249.
Précaution
Dans le cadre de la préparation d’un rassemblement, les autorités devraient adopter des mesures pour éviter le recours à la force et, si le recours à la force est inévitable, pour minimiser ses conséquences négatives.[69] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 52. (uniquement disponible en anglais). La CEDH a jugé que l’opération devait « être encadrée et organisée afin de minimiser le plus possible les risques pour la vie des manifestants ».[70] Şimşek et autres c. Turquie, CEDH, arrêt du 26 juillet 2005, point 106. (uniquement disponible en anglais).
Outre la formation (voir la section 13.4), le principe de précaution nécessite une planification adéquate des rassemblements. Le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements indique ce qui suit :
Le BIDDH/OSCE, dans le manuel intitulé Human Rights Handbook on Policing Assemblies (Manuel sur les droits de l’homme pour le maintien de l’ordre lors des rassemblements) et la ComADHP, dans les lignes directrices pour le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, fournissent des orientations concernant la planification des rassemblements.
Le principe de précaution nécessite également que les responsables de l’application des lois aient accès à des d’équipements d’auto-défense et de coordination appropriés (tels que des boucliers, des casques, des gilets pare-balles et des tenues ignifuges, ainsi que des appareils de communication portables) et des armes à létalité réduite adéquates (voir la section 13.8), comme cela a été souligné par de nombreuses autorités.[72] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 2 ; Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, points 52 à 55 ; (uniquement disponible en anglais) ; Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Résolution 25/38 sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, Doc. des Nations Unies A/HRC/RES/25/38, 11 avril 2014, point 14 ; (uniquement disponible en anglais). ComIDH, Second Report on the Situation of Human Rights Defenders in the Americas, OEA/Ser.L/V/II, Doc. 66, 31 décembre 2011, point 143 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 15 ; (uniquement disponible en anglais) ; BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Ligne directrice 5.5 et Notes explicatives, point 172.
L’affaire Simşek et autres c. Turquie, dont la CEDH a été saisie, trouvait son origine dans le fait que, lors de deux rassemblements, la police avait eu recours à des tirs réels en réponse à des actes de violence et de résistance, ce qui avait entraîné la mort de 17 personnes. La CEDH a estimé que l’État turc avait violé le droit à la vie, en s’abstenant de fournir une formation, des instructions et des équipements appropriés aux officiers de police en service :
Il ressort du dossier que les officiers de police qui étaient en service lors des deux incidents ont joui d’une grande autonomie d’action, et qu’ils ont pris des initiatives en proie à la panique et sous pression qu’ils n’auraient probablement pas prises s’ils avaient reçu une formation et des instructions appropriées. La Cour (…) estime que l’absence d’un commandement clair et centralisé a constitué une lacune de taille qui a dû accroître le risque que les officiers de police tirent directement sur la foule.
En outre, il appartenait aux forces de sécurité, qui étaient au courant de la situation tendue dans les deux districts, de mettre à disposition les équipements nécessaires, tels que du gaz lacrymogène, des balles en plastique, des canons à eau, etc., pour disperser la foule. Du point de vue de la Cour, l’absence de ces équipements est inacceptable.
En conclusion, la Cour estime qu’au vu des circonstances de l’espèce, la force utilisée pour disperser les manifestants, qui a entraîné la mort de dix-sept personnes, allait au-delà de ce qui est absolument nécessaire au sens de l’article 2.[73] Şimşek et autres c. Turquie, CEDH, arrêt du 26 juillet 2005, points 110 à 112. (uniquement disponible en anglais). Voir également Güleç c. Turquie, CEDH, arrêt du 27 juillet 1998, point 71 : « Les gendarmes employèrent une arme très puissante car ils ne disposaient apparemment ni de matraques ou boucliers, ni de canons à eau, de balles en caoutchouc ou de gaz lacrymogènes. L’absence de ces équipements est d’autant plus incompréhensible et inacceptable que la province de Şırnak se trouve, comme l’a souligné le gouvernement, dans une région placée sous état d’urgence, où, à l’époque des faits, on pouvait s’attendre à des troubles ».
S’agissant de l’équipement des membres des forces de l’ordre, il convient également de tenir compte de l’impression que leur apparence visuelle peut faire sur les participants, afin d’éviter tout effet de provocation ou d’intimidation. Le Rapporteur spécial des Nations Unies a estimé que le déploiement massif des forces de l’ordre fait monter la tension et que l’agression engendre l’agression[74] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Report of the UNSR on his mission to the Republic of Korea, A/HRC/32/36/Add.2, point 31. . De même, la ComADHP affirme ce qui suit :
Nécessité et proportionnalité
Premièrement, l’exigence de nécessité et de proportionnalité signifie que les rassemblements devraient généralement être gérés emploi de la force ;[76] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 57. (uniquement disponible en anglais). la force ne devrait être employée qu’après avoir épuisé les autres solutions. Les principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois déclarent :
Dans le même esprit, la CIDH a jugé que « la force ou les mesures de coercition ne peuvent être utilisées qu’une fois épuisées toutes les autres méthodes de contrôle ».[78] Zambrano Vélez et autres c. Équateur, CIDH, arrêt du 4 juillet 2007 (fond, réparation et dépens), point 83. (uniquement disponible en anglais) La ComADHP adopte le même point de vue.[79] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 21.1.2.
Deuxièmement, lorsque l’emploi de la force devient inévitable, celui-ci doit viser aussi précisément que possible la/les personne(s) qui l’ont nécessité. La CEDH a jugé, à maintes reprises, que la force devait « être rendu strictement nécessaire par la conduite d’une personne en particulier » ;[80] Voir, par exemple, Pekaslan et autres c. Turquie, CEDH, arrêt du 20 mars 2012, point 81 ; İzci c. Turquie, CEDH, arrêt du 23 juillet 2013, point 55. (uniquement disponible en anglais). la ComADHP affirme, quant à elle, que les agents chargés de l’application des lois recourant à la force doivent, dans la mesure du possible « distinguer les participants pacifiques à une réunion et les personnes qui commettent des actes violents ».[81] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 21.1.2.
Troisièmement, la force doit se limiter au minimum nécessaire, au vu des circonstances. Le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements définit cette exigence comme suit :
La CIDH a davantage précisé les circonstances pertinentes pour déterminer si l’emploi de la force est bel et bien strictement nécessaire au vu de chaque situation :
Pour déterminer la proportionnalité de l’emploi de la force, il convient d’évaluer la gravité de la situation à laquelle l’agent est confronté. À cette fin, entre autres, il est nécessaire de tenir compte du niveau d’intensité et de danger de la menace, de l’attitude de l’individu, des conditions de la zone environnante et des moyens dont dispose l’agent pour gérer la situation en question. En outre, en vertu de ce principe, les membres des forces de l’ordre doivent dans tous les cas réduire au minimum les dommages ou les blessures causé(es) à quiconque, et utiliser le degré de force minimal requis pour atteindre le but légitime poursuivi.
[83] Frères Landaeta Mejías et autres c. Venezuela, CIDH, arrêt du 27 août 2014, point 136. (uniquement disponible en anglais)
Les principes de nécessité et proportionnalité s’appliquent à toutes les formes d’emploi de la force et à l’utilisation des armes à feu (voir la section 13.8). Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies affirme que « le recours à la force létale n’est autorisé que pour se protéger contre une menace imminente mettant en danger des vies humaines » et que « rien ne peut jamais justifier (…) le recours aveugle à la force létale contre une foule »,[84] Conseil des droits de l’homme des Nations unies, Résolution 25/38 sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, Doc. des Nations unies A/HRC/RES/25/38, 11 avril 2014, points 10 et 11. (uniquement disponible en anglais) points de vues repris dans le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements[85] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 60. (uniquement disponible en anglais) et par la ComADHP.[86] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 21.1.4.
La ComIDH souligne, quant à elle, que tout recours à la force meurtrière doit être précédé d’un avertissement de la part d’un agent de l’État qui s’identifie clairement, sauf si cela est impossible :
Si l’emploi de la force meurtrière s’avère strictement nécessaire, les règles de conduite devraient prévoir que les agents de l’État s’identifient dans un premier temps, puis qu’ils adressent aux personnes concernées un avertissement clair sur leur intention d’employer la force, afin de leur accorder du temps pour cesser et renoncer, sauf en cas de danger imminent pour la vie ou la sûreté personnelle de tiers ou des agents eux-mêmes.
[87] ComIDH, Report on Citizen Security and Human Rights, OEA/Ser.L/V/II, Doc 57, 31 décembre 2009, point 118. (uniquement disponible en anglais)
Les principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois utilisent un langage similaire.[88] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 10.
Au sens de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, le recours à la force meurtrière doit être « absolument nécessaire ». La CEDH a expliqué que le respect de cette règle ne dépend pas uniquement des actes de l’agent qui a recours à la force, mais aussi des mesures de précaution adoptées (voir la section 13.7), telles que la planification et le contrôle :
L’emploi des termes « absolument nécessaire » indique qu’il faut appliquer un critère de nécessité plus strict et impérieux que celui normalement utilisé pour déterminer si l’intervention de l’État est « nécessaire dans une société démocratique » (…) la Cour doit se former une opinion en examinant avec la plus grande attention les cas où l’on inflige la mort, notamment lorsque l’on fait un usage délibéré de la force meurtrière, et prendre en considération non seulement les actes des agents de l’État qui y ont eu recours, mais également l’ensemble des circonstances de l’affaire, notamment la préparation et le contrôle des actes en question.
[89] Giuliani et Gaggio c. Italie, CEDH, Grande Chambre arrêt du 24 mars 2011, poin 176.
Responsabilité
Les gouvernements se doivent de mettre en place des procédures efficaces de signalement et de révision concernant tout incident dans le cadre duquel les forces de l’ordre ont occasionné des blessures ou des décès en employant la force (voir la section 14) ou en tirant à l’arme à feu dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions (voir la section 13.8).
13.8 Conditions applicables à l’utilisation d’armes à feu et d’armes à létalité réduite par les membres des forces de l’ordre
Quelles règles régissent le recours aux armes à feu durant des rassemblements ?
L’utilisation d’armes à feu lors de rassemblements est entièrement soumise aux principes régissant le recours à la force dans de tels contextes (voir la section 13.7). En outre, plusieurs règles spécifiques s’appliquent en la matière.
Le principe de légalité (voir la section 13.7) signifie que l’utilisation des armes à feu doit être encadrée par des règles et des règlementations claires, de sorte que, pour reprendre les termes utilisés par la CEDH, les responsables de l’application des lois ne se retrouvent pas « dans le flou ».[90] Giuliani et Gaggio c. Italie, CEDH, Grande Chambre arrêt du 24 mars 2011, point 249. Le principe 1 des principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois énonce ce qui suit :
Le principe de précaution (voir la section 13.7) signifie que les membres des forces de l’ordre devraient être recrutés dans le cadre de procédures de sélection rigoureuses[92] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 18. et bénéficier d’une formation professionnelle permanente et approfondie (voir la section 13.6), notamment en ce qui concerne le bon usage des armes à feu qu’ils se voient confier. Ils devraient être correctement équipés, avec en particulier, des tenues de protection et des armes à létalité réduite, afin de réduire le besoin d’utiliser des armes à feu, dans la mesure du possible.[93] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 2 ; Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, points 52 à 55 ; (uniquement disponible en anglais) ; Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Résolution 25/38 sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, Doc. des Nations Unies A/HRC/RES/25/38, 11 avril 2014, point 14 ; (uniquement disponible en anglais) ; ComIDH, Second Report on the Situation of Human Rights Defenders in the Americas, OEA/Ser.L/V/II, Doc. 66, 31 décembre 2011, point 143 (uniquement disponible en anglais) ; ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 15 ; (uniquement disponible en anglais) BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Ligne directrice 5.5 et Notes explicatives, point 172. Les armes à feu automatiques ne devraient jamais faire partie de l’équipement utilisé lors des rassemblements.[94] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 67(e). (uniquement disponible en anglais).
La ComIDH estime que les armes à feu et les munitions en plomb devraient être conservées loin du lieu d’un rassemblement et uniquement remises aux membres des forces de l’ordre si un risque grave et imminent survient :
L’interdiction faite aux officiers susceptibles de se retrouver en contact avec les manifestations de porter des armes à feu et des munitions en plomb s’est avérée être le meilleur moyen d’éviter la violence meurtrière et les décès dans les contextes de protestation sociale. Les opérations peuvent notamment consister à stocker des armes à feu et des munitions en plomb dans un lieu se trouvant hors du rayon d’action de la manifestation pour les cas exceptionnels où il existe une situation de risque réel, sérieux et imminent pour les personnes qui en justifie l’utilisation. Face à ce type de circonstances extrêmes, des règles explicites devraient être prévues précisant qui a le pouvoir d’autoriser leur utilisation et les modalités selon lesquelles une telle autorisation devra être documentée.
[95] ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 82. (uniquement disponible en anglais).
Conformément à l’exigence de nécessité et de proportionnalité (voir la section 13.7), les membres des forces de l’ordre peuvent uniquement utiliser des armes à feu lors d’un rassemblement dans la mesure nécessaire pour éviter une situation potentiellement létale, et seulement après avoir épuisé les autres solutions moins dangereuses.[96] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations Unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 18 ; ComIDH, Report on Citizen Security and Human Rights, OEA/Ser.L/V/II, Doc 57, 31 décembre 2009, point 118 ; (uniquement disponible en anglais) ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 81 ; (uniquement disponible en anglais) ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 21.1.4. Les armes à feu ne peuvent jamais être utilisées simplement pour maîtriser ou disperser (voir la section 13.4) un rassemblement, ou pour tirer sans discernement dans la foule.[97] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 60 ; (uniquement disponible en anglais) ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 22.6 ; ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 82. (uniquement disponible en anglais)
Pour être en mesure de respecter le principe de responsabilité, les États doivent adopter des procédures visant à garantir que les membres des forces de l’ordre sont responsables des armes à feu et des munitions qui leur sont confiés.[98] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 11(d). La ComIDH préconise la mise en place d’un enregistrement des munitions et d’inventaires des armes à feu :
La Commission a (…) recommandé la mise en place de systèmes d’enregistrement et de contrôle des munitions. L’enregistrement de ce type, tant avant qu’après les interventions, est une mesure de contrôle administratif qui contribue à faciliter les enquêtes judiciaires et administratives concernant d’éventuelles violations des règles et principes afférents au recours à la force. En conséquence, les États devraient disposer de mécanismes efficaces pour dresser des inventaires des armes à feu, des munitions et d’autres dispositifs de contrôle, tels que les armes chimiques, susceptibles d’être utilisés dans le cadre d’une intervention de sécurité.
[99] ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 227. (uniquement disponible en anglais)
De même, le rapport conjoint concernant la bonne gestion des rassemblements indique que « l’équipement fourni à chaque agent dans le cadre d’une opération, y compris les véhicules, les armes à feu et les munitions, devrait être consigné avec précision dans un système de conservation des données ou un registre ».[100] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 65. (uniquement disponible en anglais)
Les États devraient prévoir un système de rapports auprès d’un supérieur hiérarchique en cas d’utilisation des armes à feu par des forces de l’ordre lors d’un rassemblement.[101] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 11(f) ; ComIDH, Report on Citizen Security and Human Rights, OEA/Ser.L/V/II, Doc 57, 31 décembre 2009, point 119 (uniquement disponible en anglais); ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017point 24.4. Si l’utilisation d’une arme à feu occasionne une blessure ou un décès, cette situation déclenche l’obligation juridique de lancer une enquête (voir la section 14).
Quelles sont les règles qui encadrent le recours à des armes à létalité réduite lors de rassemblements ?
Conformément au principe de précaution (voir la section 13.7), le droit international impose aux États d’équiper les membres des forces de l’ordre avec des armes à létalité réduite, afin de permettre une réponse graduée face aux menaces et de minimiser l’utilisation des armes à feu.[102] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 2 ; Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 55 ; (uniquement disponible en anglais) ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 21.3.1 ; ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 15 ; (uniquement disponible en anglais) BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Ligne directrice 5.5.
Plusieurs mécanismes internationaux ont prévenu que les armes à létalité réduite pouvaient encore avoir des effets dommageables voire létaux, et ont souligné l’importance de soumettre ces dernières à des essais scientifiques indépendants avant leur déploiement et de maîtriser leur utilisation, notamment dans le cadre de formations et d’instructions dispensées aux membres des forces de l’ordre auxquelles elles sont confiées.[103] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Résolution 25/38 sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques, Doc. des Nations Unies A/HRC/RES/25/38, 11 avril 2014, point 15 ; (uniquement disponible en anglais) Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (adoptés lors du huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba), du 27 août au 7 septembre 1990), Doc. des Nations unies A/CONF.144/28/Rev.1 – 112, Principe 3 ; Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 55 ; (uniquement disponible en anglais) ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 21.3.1 ; ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 84. (uniquement disponible en anglais)
La CEDH a condamné avec vigueur l’omission de dispenser ces formations et instructions. Dans l’affaire Abdullah Yaşa et autres c. Turquie, elle a déclaré ce qui suit :
Compte tenu du fait qu’au cours des événements ayant eu lieu à Diyarbakır entre les 28 et 31 mars 2006, deux personnes ont été tuées par des tirs de grenades lacrymogènes et que le requérant a été blessé à cette occasion, on peut inférer que les policiers ont pu agir avec une grande autonomie et prendre des initiatives inconsidérées, ce qui n’eût probablement pas été le cas s’ils avaient bénéficié d’une formation et d’instructions adéquates. Pour la Cour, une telle situation ne permet pas d’offrir le niveau de protection de l’intégrité physique des personnes qui est requis dans les sociétés démocratiques contemporaines en Europe (…).
Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.[104] Abdullah Yaşa et autres c. Turquie, CEDH, arrêt du 16 juillet 2013, points 49 à 51. Voir également Ataykaya c. Turquie, CEDH, arrêt du 22 juillet 2014, point 57.
La ComIDH prévient qu’un avertissement doit être donné avant d’utiliser des armes à létalité réduite, et qu’il devrait y avoir une obligation de rendre des comptes pour une utilisation inappropriée de ces dernières :
L’utilisation des armes à létalité réduite devrait être précédée d’avertissements formels afin de donner aux personnes la possibilité d’évacuer la zone sans provoquer des situations de panique ou des bousculades, et des directives devraient être mises en place pour l’imputation des responsabilités en cas d’utilisation incorrecte.
[105] ComIDH, Annual Report 2015, 17 mars 2016, chapitre IV.A, point 16. (uniquement disponible en anglais)
Gaz lacrymogène
Le Rapporteur spécial des Nations Unies a mis en garde contre les dangers de l’utilisation du gaz lacrymogène, en raison de son caractère indéterminé :
La CEDH a conclu à la violation des droits de l’homme dans un nombre conséquent d’affaires relatives à l’utilisation inappropriée du gaz lacrymogène.[107] Voir, entre autres, Ali Güneş c. Turquie, CEDH, arrêt du 10 avril 2012 (uniquement disponible en anglais) ; Abdullah Yaşa et autres c. Turquie, CEDH, arrêt du 16 juillet 2013 ; İzci c. Turquie, CEDH, arrêt du 23 juillet 2013 (uniquement disponible en anglais); Ataykaya c. Turquie, CEDH, arrêt du 22 juillet 2014. La Cour a souligné la pleine applicabilité du principe de légalité (voir la section 13.7) à l’utilisation du gaz lacrymogène :
[L]es opérations de police – y compris le lancement de grenades lacrymogènes – doivent non seulement être autorisées par le droit national mais aussi être suffisamment délimitées par ce droit, dans le cadre d’un système de garanties adéquates et effectives contre l’arbitraire, l’abus de la force et les accidents évitables.
[108] Abdullah Yaşa et autres c. Turquie, CEDH, arrêt du 16 juillet 2013, point 43.
En outre, elle a indiqué que le tir direct et tendu de grenades lacrymogènes et était interdit :
Pour la Cour, le tir direct et tendu d’une grenade lacrymogène au moyen d’un lanceur ne saurait être considéré comme une action policière adéquate, dans la mesure où un tel tir peut causer des blessures graves, voire mortelles, alors que le tir en cloche constitue en général le mode adéquat, dans la mesure où il évite que les personnes soient blessées ou tuées en cas d’impact.
[109] Abdullah Yaşa et autres c. Turquie, CEDH, arrêt du 16 juillet 2013, point 48. Voir également Ataykaya c. Turquie, CEDH, arrêt du 22 juillet 2014, point 56.
Le gaz lacrymogène ne saurait être utilisé « sans discernement (…), dans la mesure où non seulement les manifestants, mais aussi des personnes non concernées se trouvant dans les environs [sont] touchés »[110] İzci c. Turquie, CEDH, arrêt du 23 juillet 2013, point 60. (uniquement disponible en anglais) et « rien ne justifie l’utilisation de ces gaz à l’encontre d’une personne qui est déjà placée sous le contrôle des autorités chargées du maintien de l’ordre ».[111] Ali Güneş c. Turquie, CEDH, arrêt du 10 avril 2012, point 41. (uniquement disponible en anglais)
Spray au poivre
Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a exprimé son inquiétude concernant l’utilisation de spray au poivre dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre :
13.9 Les membres des forces de l’ordre devraient pouvoir être identifiés individuellement
Le Rapporteur spécial des Nations Unies,
[113] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant la bonne gestion des rassemblements, Doc. des Nations Unies A/HRC/31/66, 4 février 2016, point 65. (uniquement disponible en anglais) la ComADHP,
[114] ComADHP, Lignes directrices sur le maintien de l’ordre lors des réunions en Afrique, 4 mars 2017, point 14.1. la ComIDH
[115] ComIDH, Report on the Situation of Human Rights Defenders in the Americas, OEA/Ser.L/V/II.124 Doc. 5 Rev. 1, 7 mars 2006, point 68. (uniquement disponible en anglais) et le BIDDH/OSCE, dans ses
lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique,
[116] BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, 2ème édition, 2010, Notes explicatives, point 153. indiquent tous que les membres des forces de l’ordre déployés lors d’un rassemblement devraient pouvoir être identifiés clairement et individuellement, par exemple grâce à insigne nominatif ou un matricule visible à tout moment.
La CEDH a jugé que les États étaient tenus par une obligation effective d’enquêter sur les blessures et les décès survenus pendant un rassemblement
(voir la section 14), et qu’une telle obligation était violée si les forces de sécurité prenaient des mesures qui rendent impossible l’identification individuelle des responsables.
Dans l’affaire Ataykaya c. Turquie [ cliquer ici pour un exposé complet ]
Coup de projecteur :
Ataykaya c. Turquie

L’affaire
Ataykaya c. Turquie trouvait son origine dans le décès d’un passant qui avait été touché à la tête par une grenade lacrymogène alors que des policiers au visage masqué dispersaient un rassemblement. La Cour ne s’est pas prononcée sur le fait de savoir si le recours à des cagoules par les membres des forces de l’ordre était admissible. Néanmoins, elle a indiqué que les policiers au visage masqué devaient toujours pouvoir être identifiés par un numéro de matricule, afin de pouvoir faire l’objet d’une enquête à la suite de l’évènement :
La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’apprécier de manière générale la conformité à la Convention du port de cagoules par les agents des forces de l’ordre appelés à intervenir contre des manifestants. Il est cependant évident qu’une telle pratique a eu, dans la présente affaire, pour conséquence directe de conférer aux responsables une immunité de poursuite (…).
La Cour considère que cette circonstance, à savoir l’impossibilité pour les témoins oculaires d’identifier l’auteur du tir à cause de la cagoule dont il était équipé, est, à elle seule, préoccupante. À cet égard, elle rappelle avoir déjà jugé, sous l’angle de l’article 3 de la Convention, que l’impossibilité de déterminer l’identité des forces de l’ordre, auteurs présumés d’actes incompatibles avec la Convention, était contraire à celle-ci. De même, elle a déjà souligné que, lorsque les autorités nationales compétentes déploient des policiers au visage masqué pour maintenir l’ordre public ou effectuer une arrestation, il faut que ces agents soient tenus d’arborer un signe distinctif – par exemple un numéro de matricule – qui, tout en préservant leur anonymat, permette de les identifier en vue de leur audition au cas où la conduite de l’opération serait contestée ultérieurement. Ces considérations valent a fortiori pour la présente espèce, d’autant plus qu’il s’agit d’un décès consécutif à un tir émanant d’un agent des forces de l’ordre qui portait une cagoule.[118] Ataykaya c. Turquie, CEDH, arrêt du 22 juillet 2014, points 52 à 54 (références omises).
, la Cour avait éludé la question de savoir si les membres des forces de l’ordre pouvaient ou non couvrir leurs visages lors d’une manifestation. Néanmoins, elle avait indiqué que lorsqu’ils portent un masque ou une cagoule, les agents sont au moins tenus « d’arborer un signe distinctif – par exemple un numéro de matricule », qui « permette de les identifier en vue de leur audition au cas où la conduite de l’opération serait contestée ultérieurement ».
[117] Ataykaya c. Turquie, CEDH, arrêt du 22 juillet 2014, points 52 à 54 (références omises) ; voir également Cestaro c. Italie, CEDH, arrêt du 7 avril 2015, point 217. La Cour n’avait pas non plus évoqué la question de savoir si des signes distinctifs étaient également requis lorsque les visages des agents sont suffisamment visibles pour permettre leur identification.