Dans son premier rapport thématique au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association a précisé que par
Il est bien établi en droit international que le droit à la liberté d’association protège aussi bien les associations officielles (celles qui disposent d’actes constitutifs et sont enregistrées) que celles informelles (celles qui fonctionnent en pratique mais n’ont procédé à aucun enregistrement).
[3] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Premier rapport thématique du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations Unies A/HRC/20/27, 21 mai 2012, point 56. (
Voir Le droit à la liberté d’association chapitre 7). Le Rapporteur spécial a souligné à maintes reprises que la liberté d’association s’appliquait aux associations informelles et que les groupes n’avaient pas besoin d’être enregistrés pour l’exercer.
[4] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Quatrième rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations Unies A/HRC/29/25, 28 avril 2015, point 59.
Dans ses lignes directrices sur la liberté d’association et sur la liberté de réunion en Afrique, la définition d’une association de la ComADHP souligne que les associations ne doivent pas forcément être formelles ; une association est un regroupement à but non lucratif de personnes ayant un intérêt, une activité ou un objectif commun, elle requiert une certaine forme ou structure institutionnelle mais pas nécessairement formelle, et plus qu’une existence éphémère.[5] ComADHP, Lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion, 2017, point 1-2; ComADHP, Projet de lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique, 22 septembre 2016, liberté d’association, article I.1.
La ligne directrice 11 dispose ce qui suit :
Les organismes internationaux ont rappelé à maintes reprises que les associations pouvaient fonctionner librement, indépendamment de leur reconnaissance officielle. Dans l’affaire Mouvement pour un Royaume démocratique c. Bulgarie, la ComEDH a par exemple confirmé plusieurs affaires antérieures dans lesquelles :
Un avis de 2011 de la Commission de Venise sur les droits des associations non enregistrées en Biélorussie a apporté davantage de précisions sur ce point,
en soulignant que les actes d'une association ne pouvaient être sanctionnés au simple motif que cette dernière n’est pas enregistrée. [ cliquer ici pour un exposé complet ]
Coup de projecteur :
Rapport de 2011 sur la Biélorussie

Dans son rapport de 2011 sur la Biélorussie, la Commission de Venise a conclu ce qui suit :
(…) le simple fait qu’une association ne remplisse pas tous les critères fixés par la législation pertinente ne lui retire pas le droit à la liberté d’association, garantie sur le plan international. Dans son arrêt Chassagnou et autres c. France, la CEDH souligne le caractère autonome du terme d’association : « la notion d’ « association » possède (…) une portée autonome : la qualification en droit national n’a qu’une valeur relative et ne constitue qu’un simple point de départ ».
93. Les principes et la protection prévus par le PIDCP et par la CEDH s’appliquent donc aussi aux ONG non enregistrées (…).
94. Par conséquent, aux yeux de la Commission de Venise, criminaliser les actions liées à l’organisation ou à la gestion d’une association au seul motif que l’association concernée n’a pas été enregistrée par l’État, comme le fait l’article 193-1 du Code pénal du Bélarus, ne remplit pas les critères stricts prévus à l’article 22.2 du PIDCP et à l’article 11.2 de la CEDH.
95. Ériger en infractions pénales des activités en faveur des droits de l’homme, comme le fait l’article 193-1 lorsque des membres d’associations non enregistrées œuvrent pour les droits de l’homme, ne peut être considéré que comme une atteinte aux valeurs qui sous-tendent le système international des droits de l’homme et aux objectifs des droits civils et politiques garantis par le PIDCP et par la CEDH.
96. En conclusion, la Commission de Venise estime que le simple fait qu’une association ne soit pas enregistrée auprès de l’État ne peut constituer une raison de criminaliser les actions qui s’inscrivent dans le cadre de cette association. Cela rendrait de fait impossibles les activités de toute association non enregistrée et restreindrait par conséquent le droit à la liberté d’association dans son essence même. [8] Commission de Venise, Avis sur la compatibilité avec les normes universelles des droits de l’homme de l’article 193-1 du code pénal de la République de Bélarus relatif aux droits des associations non enregistrées, 18 octobre 2011.
En outre, dans son arrêt
Parti républicain de Russie c. Russie, la CEDH a de nouveau confirmé qu’un État ne saurait forcer une association à choisir une forme juridique particulière, déclarant ce qui suit :
Les associations peuvent donc décider de fonctionner sans enregistrement, et ne peuvent être sanctionnées pénalement pour cela. Ce principe s’avère essentiel au vu des difficultés que certaines organisations peuvent rencontrer pour s’enregistrer, ou du nombre de pays dans lesquels l’enregistrement est généralement difficile à effectuer. [10] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Premier rapport thématique du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations Unies A/HRC/20/27, 21 mai 2012, point 57. (Voir Le droit à la liberté d’association chapitre 7). Néanmoins, certaines activités comme l’ouverture d’un compte bancaire ou l’embauche de personnel peuvent contraindre une association à obtenir une personnalité morale (Voir Le droit à la liberté d’association chapitre 7.1).
Ces dernières années, l’Internet est devenu essentiel pour faciliter la participation active des citoyens afin de créer des sociétés démocratiques et de mobiliser la population pour « réclamer la justice, l’égalité, la responsabilité effective et un plus grand respect des droits de l’homme ».
[11] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, Doc. des Nations Unies A/HRC/17/27, 16 mai 2011, point 2 ; voir également, Premier rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations Unies A/HRC/20/27, 21 mai 2012, point 32(e). Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a souligné à maintes reprises l’importance des technologies de l’information et de la communication pour une jouissance pleine et entière du droit à la liberté d’association, et a rappelé aux États leur obligation de respecter et de protéger pleinement le droit de tous les individus de se réunir pacifiquement et de s’associer librement, à la fois en ligne et hors ligne.
[12] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Doc. des Nations Unies A/HRC/RES/21/16, 11 octobre 2012, point 1 ; voir également Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Droit de réunion pacifique et liberté d’association, Doc. des Nations Unies A/HRC/RES/24/5, 8 octobre 2013, point 2.
Comme l’a également souligné le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression,
De même, une déclaration conjointe de 2011 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, du Représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, du Rapporteur spécial de l’OEA pour la liberté d’expression et du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a souligné que l’Internet était nécessaire pour promouvoir le respect des autres droits de l’homme, notamment la liberté d’association.[14] Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, le Rapporteur spécial de l’OEA pour la liberté d’expression et le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et de l’internet, 1 juin 2011, point 6(a) (uniquement disponible en anglais).
A l’issue d’une visite du Sultanat d’Oman, le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association des Nations Unies, a expressément affirmé que le droit à la liberté d’association s’appliquait également en ligne. Répondant aux signalements selon lesquels les autorités pirataient les comptes en ligne, se livraient à des actes de surveillance en ligne et bloquaient les services de voix sur protocole Internet, le Rapporteur spécial a déclaré que
Pour ces raisons, les États devraient garantir l’accès à Internet à tous les individus. Selon un rapport de 2014 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme :
Dans certains cas limités, l’activité en ligne peut être restreinte, notamment pour prévenir les infractions prévues par le droit pénal international et/ou par le droit international des droits de l’homme, telles que l’incitation à la violence, au génocide ou au terrorisme. Toutefois, même dans ces cas, lesdites limitations doivent passer le test de toutes les restrictions imposées aux droits de l’homme de base : être prescrites par la loi et ne laisser aucune place à l’ambiguïté, répondre à un objectif légitime et respecter les principes de nécessité et de proportionnalité.[17] Assemblée générale des Nations Unies, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, Doc. des Nations Unies A/66/290, 10 août 2011, point 37. [(Voir Le droit à la liberté d’association chapitre 6). Le BIDDH/OSCE et la Commission de Venise ont par exemple noté que
(l)e blocage des sites web d’associations, de certaines sources d’information ou de certains outils de communication peut avoir des répercussions négatives considérables pour les associations. Les mesures de sécurité devraient être de nature temporaire, définies de façon restrictive pour satisfaire à la poursuite d’un objectif légitime précis et prévues par la loi. Ces mesures ne sauraient être utilisées pour faire taire toute forme d’opposition ou de critique.
[18] BIDDH/OSCE et Commission de Venise, Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association, 2015, point 270.
Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a appelé expressément les États à ne pas imposer de restrictions dans certains cas particuliers, notamment :
(à) la discussion des politiques gouvernementales et au débat politique, à la publication d’informations sur les droits de l’homme, les activités du gouvernement ou la corruption au sein de celui-ci, à la participation à des campagnes électorales, à des manifestations pacifiques ou à des activités politiques, notamment en faveur de la paix ou de la démocratie, et à l’expression d’opinions et de désaccords, de croyances ou de convictions religieuses, y compris par des personnes appartenant à des minorités ou à des groupes vulnérables.
[19] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Résolution 12/16 Liberté d’opinion et d’expression, Doc. des Nations Unies A/HRC/RES/12/16, 12 octobre 2009, point 5(p)(i).
Par extension, cela signifie que les associations en ligne qui opèrent dans ces domaines sensibles sont non seulement en droit de bénéficier d’une protection, mais également d’une protection particulière. Comme l’a souligné la CEDH,
pluralisme, tolérance et esprit d’ouverture caractérisent une « société démocratique » (…). Bien qu’il faille parfois subordonner les intérêts d’individus à ceux d’un groupe, la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité ; elle commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante.
[20] Young, James et Webster c. Royaume-Uni, CEDH, arrêt du 13 août 1981, point 63.
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association a notamment souligné ce qui suit :
En général, le droit à la liberté d’association ne s’applique qu’aux associations de droit privé (à savoir, à celles constituées par des personnes privées qui souhaitent se rassembler pour atteindre un but particulier) et non pas aux associations publiques, créées ou organisées par l’État, ou intégrées au sein de ce dernier. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a expliqué que l’article 22 du Pacte ne s’appliquait qu’aux associations de droit privé ; il a refusé de considérer qu’il y avait eu violation du droit dans le cadre d’une affaire où un État partie avait demandé à des personnes morales de s’enregistrer ou de payer une cotisation à une organisation publique, dans la mesure où sa création ne visait pas à entraver la jouissance de l’article 22.
Dans l’affaire Wallman c. Autriche, par exemple, le Comité a estimé que l’Autriche n’avait pas violé le droit à la liberté d’association de l’un de ses citoyens en demandant à l’entreprise de ce dernier d’adhérer et de payer une cotisation annuelle à une chambre de commerce créée à des fins commerciales :
Le Comité constate que la Chambre de commerce autrichienne a été créée en vertu d’une loi et non d’un accord privé et que ses membres sont subordonnés par la loi à son pouvoir de percevoir des droits d’adhésion annuels. Il constate également que l’article 22 du Pacte s’applique uniquement, questions d’adhésion comprises, aux associations privées. (…) Le Comité considère que lorsque le législateur d’un État partie établit des chambres de commerce en tant qu’organismes de droit public, de tels organismes ne sont pas empêchés par l’article 22 du Pacte d’imposer des droits d’adhésion annuels à leurs membres, à moins que leur mise en place en vertu du droit public vise à contourner les garanties figurant à l’article 22. Or rien dans le dossier dont est saisi le Comité n’indique que la qualification de la Chambre de commerce autrichienne en tant qu’organisme de droit public, en vertu de la Constitution autrichienne et de la loi sur la Chambre de commerce de 1998, a pour effet de contourner l’article 22 du Pacte.
[22] Wallman et consorts c. Autriche, Comité des droits de l’homme, Doc. des Nations Unies CCPR/C/80/D/1002/2001, 1 avril 2004, point 9.5.
De même, la CEDH a jugé que le fait qu’une association ait été constituée par la loi ne suffisait pas pour déterminer qu’elle était de droit public et qu’elle ne jouissait donc pas de la protection du droit à la liberté d’association. Cela traduit plutôt le niveau d’intégration de l’association dans une structure étatique.
Dans l’affaire Chassagnou c. France, la Cour a considéré que les associations réglementées sous-régionales de chasse étaient des associations privées, et ce même si elles avaient été constituées par loi et si elles faisaient l’objet d’une supervision de la part des autorités publiques car 1) elles étaient tenues de respecter le droit national applicable aux associations de droit privé et 2) elles avaient pour membres des personnes physiques désireuses de se rassembler dans un but précis. La CEDH a ainsi conclu qu’il ne s’agissait pas d’associations de droit public, car ces deux facteurs ne suffisaient pas à établir qu’elles étaient « intégrées aux structures de l’État ».[23] Chassagnou c. France, CEDH, arrêt du 29 avril 1999, point 101.
La CEDH a également jugé qu’une association créée par loi relevait du droit public et ne jouissait pas des garanties prévues à l’article 11 de la Convention si elle avait été constituée par la loi pour satisfaire un intérêt public, à savoir la réglementation de la profession médicale. Dans l’affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, la Cour a considéré que la Belgique n’avait pas violé les droits à la liberté d’association des médecins requérants en demandant à ces derniers d’adhérer à l’Ordre belge des médecins, chargé de la supervision de la profession médicale,
car ladite association professionnelle nationale était une institution publique et ils demeuraient libres d’adhérer à d’autres associations professionnelles de droit privé. [ cliquer ici pour un exposé complet ]
Coup de projecteur :
Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique

Pour opérer une distinction entre les associations de droit public et celles de droit privé, la CEDH a noté ce qui suit :
64. (…) (l)’Ordre belge des médecins est une institution de droit public. Fondé par le législateur et non par des particuliers, il demeure intégré aux structures de l’État et des magistrats nommés par le Roi siègent dans la plupart de ses organes. Il poursuit un but d’intérêt général, la protection de la santé, en assurant de par la loi un certain contrôle public de l’exercice de l’art médical. Dans le cadre de cette compétence, il lui incombe notamment de dresser le tableau de l’Ordre. Pour accomplir les tâches que lui a confiées l’État belge, il jouit en vertu de la loi de prérogatives exorbitantes du droit commun, tant administratives que normatives ou disciplinaires, et utilise ainsi des procédés de la puissance publique (…).
65. Eu égard à ces divers éléments considérés dans leur ensemble, l’Ordre ne saurait s’analyser en une association au sens de l’article 11 (art. 11). Encore faut-il que sa création par l’État belge n’empêche pas les praticiens de fonder entre eux des associations professionnelles ou d’y adhérer, sans quoi il y aurait violation. Des régimes totalitaires ont recouru – et recourent – à l’encadrement, par la contrainte, des professions dans des organisations hermétiques et exclusives se substituant aux associations professionnelles et aux syndicats traditionnels. Les auteurs de la Convention ont entendu prévenir de tels abus (…).
La Cour relève que la Belgique connaît plusieurs associations vouées à la défense des intérêts professionnels des médecins et auxquelles ces derniers ont toute latitude d’adhérer ou non. Dans ces conditions, l’existence de l’Ordre et son corollaire – l’obligation des médecins de s’inscrire à son tableau et de se soumettre à l’autorité de ses organes – n’ont manifestement ni pour objet ni pour effet de limiter, et encore moins de supprimer, le droit garanti à l’article 11 par. 1 (art. 11-1). [24] Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, CEDH, arrêt du 23 juin 1981, points 64-5.
La CEDH analyse au cas par cas la nature « publique » d’une organisation, notamment lorsque l’adhésion à cette dernière est obligatoire.
[25] Sigurdur A. Sigurjonsson c. Islande, CEDH, arrêt du 30 juin 1993, point 31. (
Voir Le droit à la liberté d’association chapitre 3).