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Texte complet : Liberté de réunion (PDF)
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  • 7. Gêne ou provocation : pas de motif pour l’interdiction ou le déplacement d’un rassemblement

    Le Comité des droits de l’homme rappelle que le droit de réunion pacifique est un droit de l’homme fondamental, qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et est indispensable dans une société démocratique. [1] Tout comme la liberté d’expression,[2] le droit à la liberté de réunion pacifique protège également, en particulier, le droit d’exprimer un point de vue que les autres ne partagent pas. Il appartient aux autorités de faire en sorte qu’il en soit ainsi et de protéger effectivement la sécurité de ceux qui expriment le point de vue contesté.

    L’affaire Alexeïev c. Fédération de Russie a été introduite devant le Comité des droits de l’homme par un activiste qui s’était vu refuser l’autorisation d’organiser un piquet devant l’ambassade iranienne à Moscou, pour exprimer son inquiétude face aux exécutions d’homosexuels et de mineurs en Iran. Les autorités locales justifiaient leur refus en évoquant le risque d’une « réaction négative de la société » qui « risquait de conduire à des troubles de grande ampleur à l’ordre public ». Le Comité des droits de l’homme a estimé qu’il y avait eu violation du droit de réunion, et a souligné l’obligation de protéger les participants au rassemblement en question :

    Le Comité fait observer que la liberté de réunion protège les manifestations défendant des idées qui peuvent être considérées comme dérangeantes ou choquantes par d’autres personnes et qu’en pareil cas, les États parties sont tenus de protéger contre toute violence ceux qui participent à de telles manifestations conformément à leurs droits. Il fait également observer qu’un risque imprécis et général de contre‑manifestation violente ou la simple possibilité que les autorités ne soient pas en mesure de prévenir ou de neutraliser cette violence ne constitue pas un motif suffisant pour interdire une manifestation (…) l’État partie avait pour obligation de protéger l’auteur dans l’exercice de ses droits au titre du Pacte, et de ne pas contribuer à abolir ceux‑ci. En conséquence, le Comité conclut que la restriction imposée aux droits de l’auteur n’était pas nécessaire, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sûreté publique, et qu’il y a eu violation de l’article 21 du Pacte.[3]

    La CEDH a adopté une approche très similaire. Dans l’affaire Barankevich c. Russie, par exemple, les requérants s’étaient vus refuser l’autorisation de célébrer un service chrétien évangélique en public, au motif que la plupart des résidents étaient d’une confession autre et qu’en conséquence, le service pourrait causer du mécontentement et des troubles de l’ordre public. La CEDH a estimé qu’une telle restriction constituait une violation ; les autorités auraient dû prendre des mesures raisonnables et appropriées afin de permettre le déroulement pacifique du rassemblement :

    Il serait incompatible avec les valeurs sous-jacentes de la Convention que l’exercice des droits consacrés par cette dernière par un groupe minoritaire se trouve subordonné à son acceptation par la majorité. Si tel était le cas, les droits d’un groupe minoritaire à la liberté de culte, à la liberté d’expression et de réunion deviendraient purement théoriques, et il ne seraient nullement pratiques et effectifs, contrairement aux exigences de la Convention (…).

    La Cour souligne à ce propos que la liberté de réunion garantie par l’article 11 de la Convention protège les manifestations susceptibles de heurter ou mécontenter des éléments hostiles aux idées ou revendications qu’elles veulent promouvoir. Les participants doivent pourtant pouvoir la tenir sans avoir à redouter des brutalités que leur infligeraient leurs adversaires. Il incombe ainsi aux États contractants adopter des mesures raisonnables et appropriées afin d’assurer le déroulement pacifique des manifestations licites.[4]

    La CEDH a par ailleurs déclaré que les attitudes négatives des tiers ne constituaient pas une raison de déplacer un rassemblement hors du centre-ville :

    [L}es attitudes négatives des tiers vis-à-vis des points de vue exprimés lors d’un rassemblement public ne justifient ni le refus d’autoriser ledit rassemblement ni la décision de l’interdire dans le centre-ville pour ne permettre sa tenue qu’en périphérie.[5]
    1. Comité des droits de l’homme, Denis Turchenyak et consorts c. Bélarus, Comité des droits de l’homme, adoption de vues du 10 septembre 2013, Doc. des Nations Unies CCPR/C/108/D/1948/2010, point 7.4 ; réitéré dans Praded c. Bélarus, Comité des droits de l’homme, adoption de vues du 29 novembre 2014, Doc. des Nations Unies CCPR/C/112/D/2029/2011, point 7.4.
    2. Comité des droits de l’homme, Observation générale 34 : Article 19 (Libertés d’opinion et liberté d’expression), Doc. des Nations Unies CCPR/C/GC/34 (2011), point 11. (uniquement disponible en anglais)
    3. Alexeïev c. Fédération de Russie, Comité des droits de l’homme, adoption de vues du 25 octobre 2013, Doc. des Nations Unies CCPR/C/109/D/1873/2009, point 9.6.
    4. Barankevich c. Russie, CEDH, arrêt du 26 juillet 2007, points 31 et 32 (uniquement disponible en anglais) (références omises) ; voir également Plattform « Ärzte für das Leben » c. Autriche, CEDH, arrêt du 21 juin 1988, point 32.
    5. Lashmankin et autres c. Russie, CEDH, arrêt du 7 février 2017, point 425. (uniquement disponible en anglais)