Toute personne a droit à la liberté d’association, au sens de l’ article 22, paragraphe 1, du PIDCP ; de l’ article 16, paragraphe 1, de la CADH ; de l’article 11, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 10, paragraphe 1, de la CADHP. Le PIDCP et la Convention européenne des droits de l’homme prévoient le droit de former des syndicats et de s’y affilier, et la CADH précise qu’elle comporte « le droit de s’associer librement à d’autres à des fins idéologiques, religieuses, politiques, économiques, professionnelles, sociales, culturelles, sportives ou à toute autre fin ». La CADHP ajoute la condition que ce droit soit accordé à tous les individus, « sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi »(Voir Le droit à la liberté d’association chapitre 8).
Tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme mettent en garde contre la discrimination dans le cadre du respect de la liberté d’association. Au sens de l’article 2, paragraphe 1, du PIDCP, chaque État partie s’engage
à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
[1] Article 2, paragraphe 1 du PIDCP
En outre, plusieurs conventions internationales relatives aux droits de l’homme garantissent le droit à la liberté d’association expressément au profit des populations vulnérables, notamment les réfugiés,[2] Convention relative au statut des réfugiés et protocole y afférent, article 15. les femmes,[3] Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, article 7(c). les enfants,[4] Convention relative aux droits de l’enfant, article 15. les travailleurs migrants[5] Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, article 26 et article 40. et les personnes handicapées.[6] Voir Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations Unies A/HRC/26/29, 14 avril 2014, point 20. L’article 29 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées consacre, par exemple, expressément les droits des personnes handicapées à participer aux associations qui s’intéressent à la vie publique et politique, ainsi qu’à former et à s’affilier à des organisations afin de représenter leurs intérêts à tous les niveaux.[7] Convention relative aux droits des personnes handicapées, article 29, sous b).
Ce principe général du droit international des droits de l’homme est également évoqué à l’article 2, paragraphe 1, du PIDCP, dont les garanties s’appliquent à tous les individus se trouvant sur le territoire et relevant de la compétence de ses États parties, et sa jouissance ne dépend donc pas de la citoyenneté ou d’autres critères :
(l)a jouissance des droits reconnus dans le Pacte, loin d’être limitée aux citoyens des États parties, doit être accordée aussi à tous les individus, quelle que soit leur nationalité ou même s’ils sont apatrides, par exemple demandeurs d’asile, réfugiés, travailleurs migrants et autres personnes qui se trouveraient sur le territoire de l’État partie ou relèveraient de sa compétence. Ce principe s’applique aussi à quiconque se trouve sous le pouvoir ou le contrôle effectif des forces d’un État partie opérant en dehors de son territoire, indépendamment des circonstances dans lesquelles ce pouvoir ou ce contrôle effectif a été établi (…).
[8] Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 31, La nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, adoptée le 29 mars 2004, point 10.
Ce principe a été confirmé par la CIDH, dans l’affaire Escher et autres c. Brésil, qui a statué que les États étaient tenus de respecter et de promouvoir la liberté d’association au profit de toutes les personnes se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence :
La Cour a indiqué que l’article 16, paragraphe 1, de la Convention américaine dispose que toute personne qui relève de la compétence d’un État partie jouit de la liberté de s’associer librement avec d’autres personnes, sans intervention des autorités publiques venant restreindre ou entraver l’exercice dudit droit.
[9] Escher et autres c. Brésil, CIDH, arrêt du 6 juillet 2009, point 170. (uniquement disponible en anglais)
L’article 3 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local dispose ce qui suit :
Le statut juridique d’une personne physique sur le territoire d’un État ne prive jamais, en tant que tel, ladite personne desdits droits. Dans l’affaire Cisse c. France, la CEDH a par exemple précisé que le statut d’immigrant illégal ne suffisait pas à justifier une violation de l’article 11.[11] Cisse c. France, CEDH, arrêt du 9 avril 2002, points 50.
De même, la ComADHP a fait valoir que la garantie prévue à l’article 2 de la CADHP selon laquelle tous les individus devaient jouir de droits identiques « sans distinction d’aucune sorte comme la discrimination fondée sur la race, la couleur, le handicap, l’origine ethnique, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre ou l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, la situation économique ou autre » signifiait que les non-ressortissants bénéficiaient également d’une protection pleine et entière. Dans l’affaire Kenneth Good c. République de Botswana, la ComADHP a constaté une série de violations dans le cadre de la déportation d’une personne étrangère résidant dans le pays, apparemment en représailles de critiques envers le gouvernement. A la question de savoir si ladite personne avait eu accès un recours, la ComADHP a indiqué ce qui suit :
Les États parties à la Charte africaine ont ainsi le devoir de veiller à ce que les organes judiciaires soient accessibles à tous sur leur territoire et dans leur juridiction, sans distinction d’aucune sorte comme la discrimination fondée sur la race, la couleur, le handicap, l’origine ethnique, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre ou l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, la situation économique ou autre. Ainsi, les étrangers ont droit à la jouissance de ce droit au même titre que les ressortissants du pays.
[12] Kenneth Good c. République de Botswana, ComADHP, communication du 26 mai 2010, point 163.
En outre, le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association souligne que la liberté d’association revêt une nature internationale, de sorte qu’elle « s’étend à la coopération transfrontière et internationale entre les associations et leurs membres ».[13] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, Maina Kiai, Doc. des Nations Unies A/HRC/26/29, 14 avril 2014, point 61. Par exemple, l’article 36 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dispose ce qui suit :
Les peuples autochtones, en particulier ceux qui vivent de part et d’autre de frontières internationales, ont le droit d’entretenir et de développer, à travers ces frontières, des contacts, des relations et des liens de coopération avec leurs propres membres ainsi qu’avec les autres peuples, notamment des activités ayant des buts spirituels, culturels, politiques, économiques et sociaux.
[14] Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, article 36 ; voir également Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, article 2(5).
Bien que le droit de base à la liberté d’association soit un droit individuel, une fois que des individus se rassemblent pour atteindre un but commun, ils doivent pouvoir se prévaloir d’un droit collectif à la liberté d’association :
La CIDH a elle aussi jugé que les droits individuels et collectifs devaient être garantis de façon simultanée.[16] Huilca‐Tecse c. Pérou (fond, réparation et dépens), CIDH, arrêt du 3 mars 2005, point 72 (uniquement disponible en anglais) ; voir également ComIDH, Second Report on the Situation of Human Rights Defenders in the Americas, OEA/Ser/L/V/II Doc 66, 31 décembre 2011, points 158-159.
En cas de violation de la liberté d’association, tant les personnes physiques que les associations peuvent se pourvoir en justice, comme l’a confirmé la CEDH, même après la dissolution d’une association.[17] Voir Refah Partisi (Partie de la prospérité) c. Turquie, CEDH, 13 février 2003, and Sindicatul « Pastorul cel bun » c. Roumanie, CEDH, Grande Chambre, arrêt du 9 juillet 2013, point 70. Il s’agit d’une reconnaissance du fait que les droits et les recours s’appliquent aussi bien aux personnes physiques qu’aux associations, ou à titre collectif.
Le droit à la liberté d’association peut faire l’objet de restrictions pour certaines catégories limitées de personnes. En particulier, les États sont en droit d’imposer des restrictions légales au droit à la liberté d’association des membres des forces armées et de la police.
L’article 22, paragraphe 2, du PIDCP autorise ces restrictions, déclarant ce qui suit :
Le présent article n’empêche pas de soumettre à des restrictions légales l’exercice de ce droit par les membres des forces armées et de la police.
[18] Article 2, paragraphe 2 du PIDCP
De même, au sens de l’article 16, paragraphe 3, de la CADH :
Les dispositions du présent article n’empêchent pas l’imposition de restrictions légales, ni même l’interdiction de l’exercice du droit d’association, aux membres des forces armées et de la police.
[19] Article 16, paragraphe 3 de la CADH.
La Convention européenne des droits de l’homme prévoit également la possibilité de restreindre la liberté d’association des fonctionnaires publics, dans son article 11 :
Cela ne signifie pas que les membres des forces armées et de la police (et au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’administration de l’État) puissent être totalement privés de leur droit à la liberté d’association, mais que les considérations prises en compte pour l’imposition de restrictions peuvent différer.
Les différents organismes régionaux et internationaux ont fourni des orientations quant à l’interprétation de cette exception, notamment en ce qui concerne les associations représentatives et l’adhésion à des partis politiques.
Concernant la police
Dans l’affaire Nilsen et Johnsen c. Norvège, la CEDH a souligné que la police pouvait avoir des fédérations représentatives et que ces dernières pouvaient jouer un rôle particulier. La Cour a eu à connaître de la réclamation déposée par deux membres de l’Association des policiers norvégiens et de l’Association des policiers de Bergen, qui accusaient de diffamation un chercheur qui s’était penché sur des allégations de violences policières. Bien que l’affaire porte principalement sur une violation de la liberté d’expression, la Cour a également souligné sa relation à la liberté d’association :
Une caractéristique particulière de la présente espèce réside dans le fait que les requérants ont été sanctionnés pour des déclarations qu’ils avaient faites en qualité de représentants d’associations de policiers, à la suite de certains rapports qui avaient rendu publiques des allégations d’abus policiers. S’il ne peut faire aucun doute que toute restriction mise au droit de communiquer et de recevoir des informations concernant des allégations défendables d’abus policiers appelle un examen attentif de la part de la Cour (…), il doit en aller de même des propos tendant à réfuter pareilles allégations, dès lors qu’ils font partie du même débat. Tel est spécialement le cas lorsque, comme en l’espèce, les déclarations en cause ont été formulées par des représentants élus d’associations professionnelles en réponse à des allégations jetant le discrédit sur les pratiques et l’intégrité de la profession. Il convient en effet de rappeler que le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 constitue l’un des principaux moyens permettant d’assurer la jouissance effective du droit à la liberté de réunion et d’association consacré par l’article 11 (…).
[21] Nilsen et Johnsen c. Norvège, CEDH, arrêt du 25 novembre 1999, point 44.
Dans l’affaire
Syndicat de la police de la République slovaque et autres c. Slovaquie, le Syndicat de la police s’était plaint d’actes d’intimidation de la part du ministre de l’intérieur en raison de ses activités syndicales. A la suite d’un rassemblement syndical avec, entre autres, des chants pour la démission du gouvernement, le ministre avait déclaré en public que tous les agents de police qui ne respecteraient pas le code d’éthique seraient licenciés. Les plaignants soutenaient qu’une telle menace violait le droit à la liberté d’association. Toutefois, la Cour a, à la majorité de ses membres, qu’il n’y avait pas eu de violation du droit à la liberté d’association, soulignant que le but consistant à préserver la confiance du public en la police était légitime et que
[l’]objectif était de garantir un comportement approprié de la part de la police et de maintenir la confiance du public en cette dernière. Il s’agit de conditions indispensables pour que la police puisse s’acquitter de sa mission, qui consiste notamment à assurer la sécurité publique, à prévenir les troubles et les délits et à protéger les droits et libertés des citoyens. L’ingérence en question poursuivait donc un but légitime.
[22] Syndicat de la police de la République slovaque et autres c. Slovaquie, CEDH, arrêt du 25 septembre 2012, point 64. (uniquement disponible en anglais) A noter, l’opinion dissidente selon laquelle les menaces exprimées par le ministre avaient bel et bien violé la liberté d’association.
Dans une affaire concernant l’adhésion de membres de la police à un parti politique, la CEDH a conclu que la restriction en cause, qui était définie avec précision par le droit national, n’était pas illégale au vu des limitations possibles au droit à la liberté d’association des membres de la police prévues par la Convention. La Cour a estimé que la « neutralité de la police » constituait un but légitime à protéger, et que la restriction imposée ne privait pas complètement les membres de la police de toute participation à des activités politiques :
Compte tenu du rôle de la police dans la société, la Cour a reconnu qu’avoir des forces de police politiquement neutres constitue un but légitime pour toute société démocratique. Vu l’histoire particulière de certains États contractants, leurs autorités nationales peuvent, pour assurer la consolidation et le maintien de la démocratie, estimer nécessaire de disposer à cette fin de garanties constitutionnelles qui restreignent la liberté pour les policiers d’exercer des activités politiques et, en particulier, de se livrer au débat politique (…). Quant à l’étendue de la restriction (…) bien que le libellé (…) puisse à première vue donner à penser qu’il s’agit d’une interdiction absolue de se livrer à des activités politiques, l’examen des dispositions pertinentes montre que les policiers ont en fait toujours le droit d’exercer des activités leur permettant d’exprimer leurs opinions et préférences politiques.
[23] Rekvényi c. Hongrie, CEDH, arrêt du 20 mai 1999, point 47-49. .
La CEDH a confirmé cette approche dans une affaire plus récente concernant l’adhésion d’agents de police à un parti politique. Dans l’affaire Strzelecki c. Pologne, la Cour a indiqué que les États disposaient d’une plus grande marge d’appréciation s’agissant des restrictions imposées à la liberté d’association des officiers de police, et que les approches en la matière variaient d’un pays à l’autre en fonction de ses traditions et de son histoire. La Cour a ainsi conclu que préserver la confiance des citoyens envers une police impartiale constituait un but légitime. Elle a également souligné de nouveau que les restrictions n’équivalaient pas à un déni total de la liberté d’association ou de participation à des activités politiques.[24] Strzelecki c. Pologne, CEDH, arrêt du 10 avril 2012, points 51, 52, 54, 57. Uniquement disponible en langue française.
Concernant l’armée
D’une façon analogue à la position adoptée concernant la police, la CEDH a conclu que l’interdiction générale des syndicats au sein des forces armées françaises était contraire à la Convention. La Cour a précisé que les États pouvaient imposer des restrictions légitimes. Cependant, lesdites restrictions ne doivent pas constituer un déni du droit à la liberté de former un syndicat à proprement parler[25] Adefdromil c. France, CEDH, arrêt du 2 octobre 2014, points 42 à 44. Uniquement disponible en langue française. Point 42 : « Elle [the Court] rappelle également que le paragraphe 2 n’exclut aucune catégorie professionnelle de la portée de l’article 11 ; il cite expressément les forces armées et la police parmi celles qui peuvent, tout au plus, se voir imposer par les États des « restrictions légitimes », sans pour autant que le droit à la liberté syndicale de leurs membres ne soit remis en cause. »Voir également, Matelly c. France, CEDH, arrêt du 2 octobre 2014, points 56 à 58. . Les mesures adoptées par les États pour atténuer l’impact de l’absence de syndicats pour l’armée ne sauraient remplacer un tel droit[26] Matelly c. France, CEDH, arrêt du 2 octobre 2014, point 70. Uniquement disponible en langue française. .
L’OSCE a émis des recommandations pour la protection et la défense du droit à la liberté d’association des membres de l’armée, notamment en ce qui concerne les associations représentatives et l’adhésion aux partis politiques :
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a estimé, dans sa recommandation 1572 (2002), que le Comité des Ministres devrait inciter les gouvernements des États membres à autoriser que les personnels des forces armées s’organisent en associations représentatives (ayant le droit de négocier salaires et conditions de travail), à lever les restrictions sur les droits d’association, à permettre qu’ils soient membres d’un parti politique légal, et à incorporer tous les droits appropriés dans les règlements militaires.
Selon la recommandation 1572 (2002) de l’Assemblée, pour ce qui concerne le personnel des forces armées, la liberté d’association regroupe les droits suivants : droit d’association, y compris le droit de négocier les salaires et les 98 conditions de travail, et le droit d’appartenir à un parti politique. On peut aussi soutenir que les membres des forces armées doivent pouvoir jouir pleinement du droit, quand l’armée n’est pas en opération, de créer des associations particulières destinées à protéger les intérêts professionnels des militaires à l’intérieur du cadre des institutions démocratiques, de s’y affilier et d’y jouer un rôle actif tout en effectuant leurs tâches habituelles. L’Assemblée a réaffirmé sa position dans la recommandation 1742 (2006), et a aussi appelé les États membres à permettre au personnel des forces armées de s’affilier à des groupements professionnels autorisés à négocier, et à créer des organes consultatifs qui regroupent des associations représentant toutes les catégories de personnel.[27] BIDDH/OSCE, Manuel sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales du personnel des forces armées, chapitre 9 : Syndicats et associations militaires, 2008, page 73. (uniquement disponible en anglais) En 2010, le Comité des Ministres sur les droits de l’homme des forces armées du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation reconnaissant expressément le droit d’association, de former des syndicats et d’adhérer à des partis politiques. Les restrictions doivent passer avec succès le test en trois volets.